À l'arrêt

A l’arrêt

Un vent puissant souffle sur la ville laissant derrière lui un sifflement incommodant. Les branches des arbres fléchissent et se balancent de gauche à droite, dans une danse languissante et envoutante… Les flocons, petits et grands, se meuvent lentement et s’apprêtent à prendre leur envol… Le ciel d’un bleu profond, conserve ses nuages blancs ; le soleil, encore étincelant il y a quelques minutes, s’est caché derrière eux. Les oiseaux essaient de s’envoler de plus en plus haut, mais la force du vent ralentit leur élan. A la vue de ce spectacle, oh combien familier, les voitures sur le boulevard enclenchent la vitesse supérieure.

Les flocons, de plus en plus volumineux, se séparent avec comme objectif d’envahir et de recouvrir chaque coin et recoin de la ville. Certains se posent lentement sur les trottoirs ou virevoltent simplement à leur guise, aveuglant ainsi les piétons qui courent se mettre à l’abri…De la fenêtre du bureau, j’observe un millier de flocons, tous blancs, quittant le sol pour monter vers le ciel…! Je sais, je sais, les flocons tombent mais ceux-ci sont spéciaux. Ce sont nos flocons à nous. D’innombrables sachets en plastique et morceaux de papier, négligemment jetés ci et là dans toute la ville. Une métropole dans laquelle la propreté ne semble aucunement vouloir s’installer. Si la crasse pouvait se changer en personnage politique, elle obtiendrait des résultats époustouflants au prochain suffrage ! La saleté fait partie intégrante de la vie des kinois, comme si la propreté était un concept utopique. Une constatation désolante mais tellement réelle.

Un bruit assourdissant remplit le ciel. Un tonnerre gronde pendant de longues secondes. Un éclair déchire le firmament. Tout à coup, la ville s’assombrit. Les chants des oiseaux s’estompent pour finir par se taire complètement. Des signes précurseurs de pluies diluviennes… confirmés par de grosses gouttes qui s’écrasent sur ma fenêtre…En un clin d’œil, c’est le déluge total suivi d’une course effrénée des derniers passants cherchant tant bien que mal un endroit où se protéger. Puis la ville assiste gratuitement à un concert impressionnant, naturel et assourdissant et un combat céleste entre tonnerres, vent, éclairs et pluie. Les questions affluent dans ma tête : qui laissera le plus de dégâts dans la ville ? Ou serait-ce un travail d’équipe ? La ville va-t-elle se remplir de cris et pleurs pour les corps emportés par les eaux ?…

Au sol, la situation n’est pas bien meilleure. Les fils électriques, abandonnés dans les caniveaux ou gisant au sol disparaissent sous les flaques d’eau. Un danger latent pour tous. Les trous des routes qui ressemblent maintenant à des cratères, se remplissent rapidement d’eau, mettant tout véhicule en situation précaire. Les inondations ne rateront certainement pas ce rendez-vous. L’eau, lorsqu’elle décide de s’infiltrer sous la porte d’une maison, elle le fait de manière sournoise et aucun obstacle ne l’en empêche…elle longe les murs, sans bruit et se glisse dans des endroits de la maison que ni vous ni moi ne connaissions…Et lorsqu’elle recouvre tout le sol, elle monte très rapidement afin de mener à bien son seul objectif : inonder sans pitié.

Je suis certaine d’une chose : divers quartiers seront plongés dans le noir total suite aux coupures de courant inopinées…et le resteront probablement encore pendant les jours qui suivent. Le transport en commun, déjà pénible en temps ordinaire, sera quasi inexistant, poussant les piétons à réagir parfois violemment lorsqu’un taxi ou un bus s’arrêtera sans reprendre de passagers. Les embouteillages sur le Boulevard, les avenues du GB, de Kasa-Vubu, du 24, des Huileries, le pont Makelele, Masina, Matete…tous des axes principaux de la ville, vont s’étirer à perte de vue, bloquant les passagers dans leur véhicule, pendant des heures interminables…et laissant ma ville, ma bien-aimée Kinshasa à l’arrêt total…

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